La viande de brousse reste très prisée en Afrique et de nombreux pièges sont constamment posés dans la forêt et en lisière, y compris dans les zones d'habitat des chimpanzés(1). Pourtant, certains chimpanzés qui vivent dans les forêts tropicales de Guinée(2) ont appris à déjouer ces pièges parfois mortels...
Sur le continent africain, dans les forêts d'Ouganda, de Tanzanie ou de Côte d'Ivoire, de nombreux pièges blessent durablement les chimpanzés (Pan troglodytes) voire entraînent leur mort. Curieusement, les chimpanzés de Bossou(3) au sud-est de la Guinée échappent à ce sort tragique et très peu se laissent prendre. Cette situation étonnante a justifié une étude plus approfondie d'autant plus qu'ils côtoient de nombreux établissements humains et que la pose de piège est généralisée dans la région.
Un type de piège classique, fabriqué par le peuple de Manon à Bossou, s'apparente à un collet qui étrangle tout animal passant dans le piège. Il s'agit d'une boucle faite avec un fil métallique (souvent un câble de frein de bicyclette), reliée à une liane qui est tendue par un bâton en forme d'arc. Lorsqu'un animal passe la tête ou une patte dans la boucle métallique le piège se détend et le collet se resserre. Même si l'animal n'est pas tué, les fils de fer entaillent les chairs et laissent souvent de profondes blessures. Bien que les Manons ne tuent pas et ne mangent pas les chimpanzés, leurs pièges peuvent tuer indifféremment les espèces qui se laissent prendre.
Or, à plusieurs reprises, des observateurs ont pu constater que des chimpanzés mâles tentaient de désactiver les pièces posés, certains y réussissant même ! Des primatologues renommés, M. Gaku Ohashi et le professeur Tetsuro Matsuzawa de l'Institut de recherche sur les primates à l'Université de Kyoto, ont étudié ces comportements étonnants pendant plus de 200 jours. Ils soutiennent qu'il s'agit d'une réponse délibérée à la présence de pièges afin d'éviter toute blessure.
"Nous avons été surpris lorsque nous avons observé ce comportement" a indiqué M. Ohashi dont l'équipe suit les chimpanzés depuis les années 70. "C'est la première fois que l'on rapporte des chimpanzés capables de casser des pièges sans se blesser" a ajouté M. Ohashi.
Les singes prenaient soin de secouer ou frapper le piège sans jamais toucher au fil de fer disposé en boucle : la corde sensible du système... En plus de pouvoir les repérer alors qu'ils sont cachés dans les branchages, les chimpanzés "semblaient savoir quelles parties des pièges sont dangereuses et celles qui ne le sont pas", a déclaré M. Ohashi à la BBC.
Ce comportement remarquable, est le fait d'un groupe qui transmet vraisemblablement son savoir à ses membres, et montre une nouvelle facette de l'apprentissage chez les chimpanzés.
La plupart du temps, les chimpanzés acquièrent de nouvelles compétences en faisant des tests et des erreurs, comme en témoignent leur essais parfois laborieux pour casser une noix avec deux pierres. Ici, "les observations indiquent que les chimpanzés peuvent apprendre à faire de bons gestes sans essais ni erreurs", souligne M. Ohashi, erreurs qui pourraient leur être fatales.
Les chercheurs supposent que les chimpanzés pourraient avoir compris le fonctionnement des pièges en les observant avec le temps : la cohabitation avec les hommes étant ancienne à Bossou. Puis l'information aurait été transmise aux nouvelles générations. Ainsi, sur un cas étudié, un jeune mâle observait un adulte entrain de désactiver un piège avant de le manipuler, une fois mis hors d'état de nuire.
Malgré ces observations encourageantes, l'équipe de recherche des primatologues continue de supprimer manuellement les pièges. En effet, les chimpanzés étudiés dans d'autres régions de l'Afrique ne semblent pas avoir développés cette faculté à déjouer les pièges des humains.
Les chimpanzés sont une espèce en voie de disparition. Ils habitent les forêts tropicales d'Afrique, où leur nombre a diminué, passant de près de 600 000 dans les années 1960 à moins de 200 000 à l'heure actuelle. Il y a trois raisons principales qui expliquent cette tragédie : la déforestation, la chasse illégale, et les maladies contagieuses comme le virus Ebola et la grippe. Toutes les trois sont le résultat de l'activité humaine.
La route vers un équilibre entre les besoins des communautés humaines et la survie des grands singes demeure bien longue et difficile...
Notes
Les progrès récents dans l'étude du génome de l'humain et du chimpanzé ont révélé à quel point les deux espèces sont proches. Les différences au niveau de l'ADN ne sont que de 1,23 %. En d'autres termes, nous sommes à 98,77% des chimpanzés ! Pour illustrer ceci, cette différence génomique est comparable à celle entre les chevaux et les zèbres, qui diffère d'environ 1,5%.
La majorité des populations de chimpanzés de l'ouest se trouve dans les hauteurs des forêts guinéennes. Ces forêts comptent parmi les plus riches au monde en terme de biodiversité. Malheureusement, celles-ci sont également parmi les plus menacées par les activités humaines.
Bossou est l'un des six emplacements d'étude à long terme des chimpanzés en Afrique.
Références
Source : notre-planete.info, http://www.notre-planete.info/actualites/actu_2498_chimpanzes_pieges.php
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