Publié le 6 Février 2013 par Racine Assane Demba in Littérature
Après avoir peint des monuments pour l’un – Senghor, Ahmadou Kourouma – « inauguré » des concepts pour l’autre – Comment philosopher en Islam ? – et rejoint le panthéon pour le troisième –Prix Nobel de Littérature 2008 – Jean Michel Djian, Souleymane Bachir Diagne et J.M.G Le Clézio s’attaquent, ensemble, à un patrimoine en péril : Tombouctou, la mystérieuse.
L’ouvrage, ‘’Les manuscrits de Tombouctou’’, qu’ils publient est une plongée dans l’inconnue, une visite dans un musée de civilisation, chaque page étant un trésor caché, chaque ligne une clef et entre les lignes : l’Histoire. Sur la quatrième de couverture, comme une délicieuse mise en bouche, on peut lire ceci : « Au cœur de l’Afrique subsaharienne des XVe et XVIe siècles, Tombouctou est une cité florissante qui attire enseignants et étudiants, protégés par l’empereur du Songhaï. C’est là que se partage et se propage le savoir. L’enseignement et le livre prospèrent et tous les métiers en profitent : copistes, libraires, répétiteurs, relieurs, traducteurs, enlumineurs… On vient d’Égypte, d’Andalousie, du Maroc ou de l’empire du Ghana pour suivre des cours à l’université de Sankoré. Ainsi, en pleine gloire, la ville accueillait au XVe siècle plus de 25 000 étudiants. »
Les documents révélés par ce livre vont de ceux contenant les cours, de l’époque, du sel et des épices, aux résultats de recherches sur les méfaits du tabac en passant par les précis de mathématiques ou de grammaire.
Ils contiennent aussi, et c’est là une information « exclusive », des récits tirés de la fiction. En effet le bouillonnement intellectuel de la cité a aussi favorisé en même temps qu’une poésie très riche la production de fresques romanesques qui, à en croire les auteurs, valent le détour.
Georges Bohas, éminent spécialiste de linguistique et de poétique arabes et syriaques. estime que seulement 10% de ces manuscrits, enfermés dans des meubles en fer rouillé, depuis la fin du 17e siècle, ont été catalogués. Parmi ceux là, 1% a pu jusqu’ici être traduit. Ces pages d’histoire refusent de se faire engloutir par les sables mouvants qui les grignotent petit à petit, depuis si longtemps.
En effet, on avait dénombré jusqu’à prés de 200 000 documents conservés dans ces bibliothèques publics et privés. C’était avant que la folie destructrice des illuminés d’Aqmi et d’Ansar Dine ne s’en prenne à cette part de notre civilisation aussi fragile que précieuse. Il ne reste plus, aujourd’hui, qu’à faire l’inventaire de ce qui leur en a échappé et à l’exploiter avant que d’autres évènements, tout droit sortis de la tragédie de l’Histoire, ne viennent, encore, nous les arracher.
Il y a peu, un signe, parmi tant d’autres, est apparu pour nous conforter dans la certitude que ces manuscrits, dans ce qu’ils ont à nous offrir, nous mèneront de belles surprises en découvertes extraordinaires. En effet Georges Bohas, certainement guidé par le flair et la fortune qui accompagnent quelquefois les passionnés, y a découvert un ouvrage exceptionnel : le Roman d’Alexandre le Grand dans une version rarissime intitulée : « Histoire du Bicornu ». Bohas en a tiré un ouvrage, là aussi coécrit, avec Abderrahim Saguer et Ahyaf Sinno.
Il serait donc grand temps que l’on fasse en sorte, comme dirait mon « condisciple en afro-responsabilité » Djamal Halawa, que ces manuscrits racontent enfin toute leur histoire.
*Les Manuscrits de Tombouctou : Editions JC Lattés. Jean Michel Djian, Souleymane Bachir Diagne, Jean Marie Gustave Le Clézio
*Le Roman d’Alexandre à Tombouctou, Histoire du Bicornu, le Manuscrit interrompu : Editions Actes Sud. Georges Bohas, Abderrahim Saguer, Ahyaf Sinno
Les secrets de Tombouctou
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